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G1551

Date d'insertion:

14/10/97

 

Les troupes belges en Somalie (1993)

par Sevdi ZYMBERAJ, Assistante de recherche au GRIP

 

1) Le mandat et les effectifs

En septembre 1992, les militaires belges se préparent pour participer à une opération humanitaire de l'ONU en Somalie; 38.000 militaires dont 28.000 américains ont été déployés pour assurer la protection des convois humanitaires.

La mission du détachement belge, composé de 650 hommes, s'inscrivait dans le cadre de l'opération "Restore Hope" sous commandement américain. Elle devait rétablir un niveau de sécurité suffisant pour permettre les activités des organisations humanitaires en Somalie.

A la mi-février 1993, le gouvernement belge décide d'augmenter l'effectif de 250 hommes ce qui fait au total 900 militaires belges; à partir de mars 1993, le commandement US retire progressivement ses troupes de la zone dans laquelle étaient déployés les soldats belges et transfère le commandement au colonel Jacqmin. Lorsque la mission "Restore Hope" a débuté, la région était le théâtre d'affrontements entre les milices de Morgan et celles de Jess.

2) Les incidents révélés en 1993 et la création de la commission d'enquête.

Les troupes belges en Somalie ont été accusées d'exactions à l'égard des Somaliens par African Rights (M. de Waal) et le reportage de Monsieur Haekens diffusé par la BRT , la radio nationale belge de langue néerlandaise.

Suite à ces accusations, le 31 août 1993, le ministre de la Défense Nationale décide de créer une commission d'enquête sur les incidents survenus en Somalie. Les travaux de la commission ont débuté le 16 septembre 1993 et se sont terminés fin novembre 1993.

La commission a estimé que le reportage de Monsieur Haekens, dans lequel un para déclare avoir entendu dire qu'un tireur d'élite wallon se vantait d'avoir déjà trente trophées ("à son tableau de chasse"), a été réalisé dans des conditions douteuses et n'était pas objectif. En effet, la commission rapporte que le 16 mars 1993, un militaire belge a tiré 70 à 80 coups en direction des Somaliens qui tiraient sur les troupes belges, il pense avoir touché 25 à 30 personnes.

Selon African Rights, des soldats belges ont froidement abattu deux Somaliens dans la rue. D'après la commission, les occupants d'une voiture ont tiré en direction des militaires belges qui ont riposté et tué les deux Somaliens.

Trois bandits, arrêtés et remis à la police de Kismayo (policiers pro-Morgan) par les militaires belges, ont été massacrés parce qu'ils appartenaient au clan ennemi.

Les abus commis par les troupes belges, selon le rapport d'African Rights, vont du coup de crosse jusqu'à jeter des gens aux crocodiles de la Jubba, ou à traîner des cadavres dans les rues des villages.

En 1994 et 1995, 24 militaires belges ont comparu en Conseil de guerre pour homicides et coups et blessures en Somalie. Un para originaire de Zelzate a été reconnu coupable de meurtre dans le but de faciliter un trafic d'armes et a été condamné à cinq ans de prison par la Cour militaire; cette condamnation est la plus lourde.

3) En mars 1997, un témoignage met en cause une nouvelle fois le comportement des paras belges en Somalie, lors de l'opération "Restore Hope"

Le quotidien belge "Het Laatste Nieuws" a effectivement publié le 29 mars 1997, le récit et les photos d'un ex-para témoin d'actes sadiques et de tortures. Ainsi, une photo montre deux paras belges maintenant au-dessus du feu un jeune Somalien. Lorsque la chemise s'est enflammée, les paras ont jeté la victime à terre et l'ont piétinée afin d'éteindre le feu. Ces deux hommes ont été identifiés et inculpés par l'auditorat militaire de violences avec blessures et d'infraction à la législation relative aux conflits armés. L'un des paras a été placé sous mandat d'arrêt, l'autre est en liberté conditionnelle. Il s'agit de deux soldats du 3e bataillon parachutiste de Tielen, Kurt Coelus et Claude Baert.

En octobre 1993, un enfant surpris en volant de la nourriture, a été enfermé par des militaires dans un conteneur où il est mort de faim et de soif. Les responsables de ce décès ne sont pas encore identifiés.

D'autres paras ont tué un paysan avec une poutre qui dépassait l'extrémité du camion sur lequel ils se trouvaient. Une photo, parue le 16 avril 1997 dans le quotidien belge "Het Laatste Nieuws", montre le sergent-major, Rudy Derkinderen urinant sur le cadavre d'un Somalien, il comparaîtra devant le Conseil de guerre de Bruxelles en septembre 1997. Le sergent Dirk Nassel a forcé un adolescent musulman à avaler les restes d'une boîte de porc et à boire une bouteille d'eau salée. Son dossier sera examiné le 8 septembre. Face à toutes ces cruautés, le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme a décidé de se porter partie civile.

Le Ministre belge de la Défense, Jean-Pol Poncelet, s'est engagé à radier de l'armée les militaires reconnus coupables, et éventuellement à dissoudre le bataillon de Tielen s'il est prouvé qu'il ne s'agit pas d'actes isolés.

4) Les rapports du général Jozef SCHOUPS

Afin d'éviter la répétition de ces incidents, le ministre de la Défense, Jean-Pol Poncelet, a chargé le général Schoups de faire un rapport sur les problèmes existant au sein de l'armée belge.

Le général Schoups a présenté le premier rapport le 8 juillet 1997. Selon lui, les incidents survenus en Somalie sont des faits individuels. Les principaux problèmes soulevés concernent le manque de formation des paras, la lenteur des mesures disciplinaires et l'alcoolisme. Le général préconise l'introduction au centre de sélection d'un test visant à détecter un comportement agressif.

Le rapport révèle l'existence dans les unités de la région anversoise de militaires proches de groupements extrémistes. Le ministre a demandé une enquête indépendante relative au racisme dans l'artmée. Elle doit être effectuée par le centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, l'école militaire, le centre de crise de l'hôpital militaire et le centre de recrutement et de sélection de l'armée.

Le second rapport a été remis au ministre de la Défense le 15 septembre 1997.Le document contient des propositions concrètes concernant la discipline, l'alcool et l'instruction. A propos de la discipline, le général propose des mesures immédiates (telles que le retrait des insignes, l'annulation partielle des jours de congés accordés après une mission) et des mesures nécessitant une modification législative (telles que les sanctions pécuniaires, l'accélération des procédures disciplinaires). Quant à l'alcool, le général pense qu'il faut en contrôler la consommation et en interdire la possession pendant les opérations. L'entraînement et la formation(qui comprendrait plus de droit humanitaire et de droit de la guerre) sont à améliorer et à intensifier.

Le général Schoups affirme que les correctifs seront d'application avant le mois d'avril 1998.

Sources:

Le Monde: 2/3/1995

Le Soir: 2/4/1997, 24/6/97, 8/7/97, 9/7/97, 18/7/97, 16/9/97

La Libre Belgique: 12/4/97, 5/8/97

Le Vif/L'Express: 4/4/97, 4/7/97

Het Laatste Nieuws: 16/4/97

Rapport de la Commission d'enquête sur la Somalie: 24 novembre 1993, Chambre des Représentants, Bruxelles.

La Meuse: 9/7/97

La Dernière Heure: 9/7/97

Vers l'Avenir: 9/7/97

 



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